Article publié le 18 mai 2025.
Interview : HBM – Crédits photographiques : © Louis-Dominique BAYLE
Dans le monde minéralogique français, l’arrêt de la revue Le Règne Minéral, fondée par Louis-Dominique BAYLE en 1995, a résonné comme un invraisemblable séisme. Véritable pont entre la connaissance, la science et la passion du grand public, sa disparition soulève des questions sur cette évolution préjudiciable pour l’ensemble du milieu.
Il nous a semblé naturel, pour la première interview de Terre Minérale, de lui donner la parole.
Merci à cet acteur de l’ombre de nous avoir accordé sa confiance, alors que rien ne laissait présager aussi simplement cette opportunité.
Pourriez-vous vous présenter brièvement pour les personnes qui ne vous connaissent pas ?
J’ai créé la revue le Règne Minéral et j’en ai été le directeur de publication pendant 30 ans. Mais avant cela, j’étais un inconnu dans le monde des minéraux, un simple collectionneur, pourrait-on dire.
La revue a vu le jour sur un coup de tête au début de l’année 1995, bien que l’idée ait réellement émergé en 1993. Ce projet spontané est né de mon manque de lecture en langue française, alors que j’étais déjà abonné au Mineralogical Record (États-Unis) et à Lapis (Allemagne). J’ai eu envie que dans le pays où est née la minéralogie puisse vivre une revue. Je me suis alors entouré d’une équipe de scientifiques, d’amateurs passionnés et de bénévoles.
Pendant 30 ans, l’aventure a perduré. Ce qui a conduit à son arrêt, c’est le manque d’intérêt culturel d’une partie des collectionneurs français, pour qui une revue spécialisée n’était pas une priorité. Même si mes propos peuvent sembler un peu abrupts, beaucoup préféraient collectionner avant tout par simple plaisir, sans forcément chercher à approfondir leurs connaissances. Bien sûr, une minorité passionnée et curieuse était fidèle à la revue – ceux-là représentaient environ un collectionneur sur dix. Triste réalité.
Collectionnez-vous les minéraux ?
Oui, je collectionne les minéraux depuis que je suis tout gamin. Je ne pourrais pas situer la date exacte, j’avais 8 ou 10 ans. Mon oncle et ma famille sont originaires d’un plateau situé entre la Haute-Loire et l’Ardèche. À côté de sa ferme, il y avait un champ labouré où, avec mon jeune cousin, nous nous promenions souvent. Par amusement, nous frappions les petits cailloux du pied pour les envoyer le plus loin possible.
Puis, un jour, je tape dans l’un d’eux. Mais cette fois, au lieu de s’envoler, il bascule à peine et ma cheville encaisse un choc brutal : il était en réalité vingt fois plus gros que les autres ! En se retournant, il dévoile une magnifique tête de quartz, d’une dizaine de centimètres de diamètre pour une quinzaine de centimètres de haut. Et là, c’est l’émerveillement total.
Bien que j’aie déjà vu du quartz – la région en regorge – ce moment-là marque un tournant. C’est là que tout commence. Ce qui est amusant, c’est que, bien que je sois devenu collectionneur de minéraux, le quartz ne m’intéresse pas particulièrement, sauf sous ses formes les plus inhabituelles. Ce premier quartz est bien évidemment toujours dans ma collection, où il occupe la place symbolique du numéro 1.
J’ai mis quelques années à comprendre ce qui m’attirait dans les minéraux. Mais vers 17 ou 18 ans, c’est devenu une évidence : la perfection des formes et des couleurs.
Contrairement au règne végétal ou au règne animal, où tout est fait de courbes et de rondeurs – bien sûr, certains insectes présentent des formes anguleuses, mais dans l’ensemble, la nature vivante privilégie la douceur des contours – les minéraux sont une affaire d’angles, de lignes nettes, de géométrie pure.
Alors que j’ai toujours été mauvais en mathématiques, cette géométrie-là me fascinait. Elle me séduisait autant intellectuellement qu’esthétiquement, et m’a donné l’envie d’aller toujours plus loin dans leur découverte.
Pour moi, les minéraux ne se limitent pas à leur beauté : j’ai toujours ressenti le besoin d’intellectualiser cette passion. C’est une démarche essentielle qui enrichit ma collection et lui apporte tout son sens.

Quel est votre plus beau souvenir minéralogique ?
Je dirais mes deux plus beaux souvenirs minéralogiques.
Le premier, c’est le gisement de Sainte-Lucie en Lozère pour les stolzites.
Pourquoi un amateur lambda chercherait-il des stolzites ? Tout simplement parce que c’est une espèce rare. À l’époque, Jacques Geoffroy avait écrit un article sur le sujet dans Le Monde et les Minéraux, et il se trouvait que ce gisement n’était pas si loin de chez moi.
Je décide donc d’y aller, jeune adulte, plein d’enthousiasme… mais je ne trouve pas grand-chose. Et pour cause : l’article, aussi intéressant soit-il, était un peu « pipoté ». Les photos ne correspondaient pas : elles montraient des stolzites, certes, mais pas celles de Saint-Lucie. Elles venaient de Broken Hill, en Australie. Rien à voir en termes de forme et de couleur.
Avec mon ami Christian Vialaron, on fouille, on gratte, on tombe sur quelques petites barytines, mais franchement moches. Sauf qu’en réalité, ce n’était pas des barytines… c’était bien des stolzites ! On ne l’avait pas compris à l’époque, faute de références précises.
Quelques années plus tard, je fais la connaissance d’Yves Merchadier, l’un des redécouvreurs de la mine, avec deux de ses compères. Avec une équipe bien connue d’amis passionnés, nous décidons de reprendre les recherches, mettre en place un véritable chantier et au bout de 12 jours, jackpot. On découvre dans une série de poches des stolzites vraiment magnifiques.
Ça, c’est une véritable aventure.
La deuxième grande aventure, c’est celle de la tétraédrite d’Irazein. En équipe, nous partons à la recherche de ces tétraédrites mythiques, connues seulement dans quelques musées et désormais dans une collection privée.
On retrouve la mine, on prospecte… mais il n’y a rien. Pourtant, l’expérience est incroyable : l’excitation de la recherche, l’exploration, l’ambiance entre nous… c’est déjà une aventure en soi. Et puis, au bout de trois jours, tout bascule.
Un habitant du coin, avec qui nous avons pris le temps d’échanger et de sympathiser, nous montre une pièce exceptionnelle : la plus belle tétraédrite connue, un monstre de 14-15 cm. Gravée au nom du mineur avec la date de la découverte, elle nous laisse sans voix. Le gisement est mythique, et même si nous n’avons qu’un seul spécimen sous les yeux, il est là, bien réel. Il ne nous appartient pas, mais nous avons eu la chance de voir le plus beau.
Voilà, ça, c’est un de mes plus grands souvenirs.
« Les minéraux sont les étoiles des mondes inférieurs.»
Gaston Bachelar
Le terrain est donc important ?
Aller sur le terrain, ce n’est pas seulement chercher et trouver. C’est avant tout le partage et la convivialité avec les amis. C’est un peu comme ceux qui explorent les catacombes : certains y vont pour la découverte historique, d’autres pour l’adrénaline, d’autres encore pour le simple plaisir d’être là, entre passionnés.
La vie d’un minéralogiste sans le terrain ? Impossible à imaginer selon moi. Les deux sont intimement liés. Pourtant, à cause de mon métier, j’ai eu peu d’occasions d’y aller … mais maintenant que je suis à la retraite, je compte bien me rattraper.
Selon vous, quelles ont été les principales transformations du marché ?
Le marché des minéraux est un univers complexe, où l’on trouve aussi bien des cailloux à un euro que des spécimens valant plusieurs millions de dollars. Il existe de grands collectionneurs et de plus modestes, chacun avec sa propre approche.
Cela fait plus de 40 ans que je fréquente ce marché. Ma première exposition, c’était en 1984 en simple visiteur. Depuis, j’ai vu son évolution. Dans les années 1970, on estimait à 100 000 le nombre de collectionneurs en France. Aujourd’hui, entre 2000 et 2020, on parle plutôt de 15 000 à 20 000. Le marché a changé : il est désormais fortement influencé par des enjeux financiers.
Pour certains, cette financiarisation est un problème, car elle a rendu certains minéraux inaccessibles. Cependant d’un autre côté, cela a aussi contribué à une prise de conscience sur la conservation des plus beaux spécimens. Prenons un parallèle avec l’art : si les tableaux de Picasso s’étaient vendus quelques dizaines d’euros, ils n’auraient peut-être jamais été conservés, ni exposés dans les musées. Il en va de même pour Rembrandt, Vermeer et tant d’autres. Leur valeur financière a contribué à leur préservation et à leur reconnaissance.
Avec les minéraux, c’est pareil. Un quartz banal à un euro restera un quartz banal. Mais un quartz de l’Arkansas, un quartz de la Gardette (Isère), un gwindel de Suisse, ou d’autres spécimens exceptionnels, sont des pièces de grande qualité esthétique qui trouvent leur place dans les musées et les collections privées. Leur prix pousse aussi les mineurs et cristalliers à prendre plus de précautions lors de l’extraction, contrairement à il y a 30 ou 40 ans.
Aussi, la vision de la minéralogie a profondément évolué avec le temps. Les collectionneurs sont devenus plus exigeants : on tolère moins les cristaux cassés, les spécimens mal formés ou peu esthétiques. Certains collectionnent avant tout l’esthétisme, d’autres la systématique, et certains encore la systématique esthétique, cherchant à allier science et beauté.
Finalement, cette quête de perfection dans les minéraux reflète peut-être notre propre vision du monde : un équilibre entre l’ordre et l’imperfection.
Allons-nous vers une diminution des passionnés ?
Dans les années 1970, lorsque je commence à m’intéresser aux minéraux, la minéralogie fait encore partie du programme scolaire. Ma professeure de sciences naturelles – comme on appelait cette matière à l’époque – était elle-même collectionneuse de minéraux. Je ne la remercierai jamais assez d’avoir ancré en moi cette passion. Elle nous montrait des spécimens qui, à mes yeux, étaient magnifiques : des morceaux de topaze, de quartz, et même quelques beaux petits cristaux. Sa collection, bien que non exposée en classe, était soigneusement rangée dans un placard à côté.
Il y avait alors un véritable attrait pour les sciences naturelles. Autour de moi, j’avais des copains qui s’intéressaient, certes brièvement, aux minéraux, mais aussi à la botanique, à l’herpétologie, aux araignées… On cultivait une curiosité pour notre environnement, et nos professeurs jouaient un rôle clé. Ils nous faisaient faire des herbiers, ils nous montraient un quartz trouvé lors d’une sortie… C’était une culture du terrain, de l’observation et de la découverte. De plus, à cette époque, nombre de mines et carrières étaient en exploitation ; actuellement il n’y a presque plus rien, à l’exception des quelques carrières.
Aujourd’hui, beaucoup de ces repères ont disparu, remplacés par des moyens de divertissement plus modernes comme la télévision et les jeux vidéo. Peut-être que cela a conduit les jeunes vers une certaine facilité, là où les sciences naturelles demandent une démarche active, une curiosité à nourrir, une envie d’explorer. Mais je suis convaincu qu’il reste encore de nombreux ponts à bâtir entre ces nouvelles habitudes et la passion pour le monde naturel. L’envie de comprendre et d’explorer est toujours là.
Pensez-vous qu’il soit possible, sans disposer d’un budget conséquent, de débuter une collection aujourd’hui ?
Oui, j’en suis convaincu. Viser l’excellence peut poser un problème financier, mais avec de la curiosité, de la recherche et de la lecture, cette soif de connaissance qui m’est chère, on acquiert une des bases essentielles pour collectionner intelligemment. Sans cela, on passe à côté de milliers de choses.
Je me souviens d’un défi que je partageais avec mon ami Yves Merchadier. Lors des salons de Munich et de Sainte-Marie-aux-Mines, nous nous donnions un budget de 500 francs (environ 80 euros aujourd’hui) pour trouver trois minéraux dignes d’être exposés. Pendant plusieurs années, nous avons joué à ce jeu, passant des heures à chasser et comparer nos trouvailles, avec un plaisir immense.
Aujourd’hui, le marché a changé. Peut-être faudrait-il 500 euros pour le même exercice, mais je reste persuadé qu’on peut encore trouver de beaux minéraux à quelques centaines d’euros, à condition d’être patient.
La clé, c’est de prendre son temps. Ne pas se précipiter, ne pas être boulimique. Car en cherchant quelque chose, on découvre souvent bien plus… et c’est là toute la magie de la collection.
Si l’on s’adressait à un public novice, quels conseils donneriez-vous pour former son œil et débuter une collection ?
Je peux être franc ? Le marché des minéraux, c’est un marché où il faut savoir naviguer. C’est un jeu entre le vendeur et l’acheteur.
Mais, tout comme dans le marché de l’art, où des milliers d’artistes produisent des centaines de créations, la minéralogie génère chaque année des millions de spécimens à travers le monde. Et dans cette immensité, il faut savoir chercher pour déceler les pièces uniques, celles qui se démarquent par leur rareté, leur esthétisme ou leur histoire. Comme je le disais, la connaissance est la clé.
Les salons comme Sainte-Marie-aux-Mines, Munich, et quelques petits événements, bien que qualitativement de plus en plus rares, restent des lieux d’échange précieux. Mais sans connaissances, il est plus difficile de faire des choix éclairés et l’on risque davantage de se laisser guider uniquement par le discours des négociants.
Une fois un caillou en main, la curiosité fait le reste. Beaucoup se renseignent exclusivement sur les réseaux sociaux, au risque de tomber sur des informations erronées. D’autres, plus prudents, se tournent vers des marchands renommés, des scientifiques, des conservateurs de musée et des ouvrages de références, souvent rédigés par des spécialistes d’un gisement ou d’une espèce.
Et c’est là où tout se joue : l’intellectualisation. Une collection sans réflexion, c’est juste une vitrine bien remplie, mais sans âme, ni intérêt. J’ai vu beaucoup de collections banales, mais aussi des collections exceptionnelles, et pas forcément chez des gens riches. Certains, avec des moyens modestes, parviennent à bâtir des collections fascinantes, car elles sont pensées, construites, vivantes. C’est en cela qu’il est important de s’entourer des bonnes personnes, mais aussi de ne jamais céder à la boulimie

Quels ouvrages se procurer ?
Si vous deviez recommander trois ouvrages sur la minéralogie, lesquels choisiriez-vous et pour quelles raisons ?
Trois ? Punaise, pour ma part, ce sont des dizaines ! C’est bien là, le problème. Mais bon, allons-y, je vais en choisir trois.
Le premier, c’est le guide de Julien Lebocey. Pour moi, c’est sans doute le meilleur guide au monde pour les collectionneurs. Cette idée, je l’avais en tête depuis plus de vingt ans : créer un véritable guide de référence. Il existait déjà des guides de collection, mais ils étaient vieillissants, souvent des redites des années 1970-1980. Quand j’ai embauché Julien en 2007, nous avons commencé à en discuter, et je lui ai proposé de concrétiser cette idée. Il y a consacré 7 à 8 ans de travail. Ce qui m’a surpris, c’est son succès international. Bien qu’il soit uniquement en français, il est vendu dans le monde entier, grâce à la qualité exceptionnelle de son iconographie, parfaitement en accord avec des textes documentés et pertinents. J’ai réalisé sa conception et sa mise en page durant plus de 14 mois, pour en faire le livre que j’aurais rêvé d’avoir à 14, 15 ou 16 ans. Un guide qui m’aurait évité bien des erreurs et m’aurait permis d’avancer plus vite.
Le deuxième, c’est American Mineral Treasures (2008). Ce livre met en valeur les plus beaux gisements américains, dans un style très… américain ! Mais si un équivalent existait en France, je crierais Cocorico ! C’est un ouvrage magnifique qui célèbre la richesse minéralogique des États-Unis et qui, à mon sens, devrait exister pour chaque pays. Malheureusement, il fut épuisé en quelques mois.
Le troisième, c’est un livre que j’ai également publié, mais ce n’est bien évidemment pas pour cette raison que je le choisis. Il y a des tas de livres passionnants, et je pourrais en citer des dizaines. Mais le livre de Christophe Lucas sort des sentiers battus. Il ne ressemble à aucun autre.
Son projet, présenter les 50 plus beaux gisements de fluorine en France. Et surtout, il ne s’arrête pas à l’aspect minéralogique : il explore l’humain derrière chaque gisement.
Chaque site est présenté en détail, parfois sur plusieurs pages, et accompagné du témoignage d’un personnage clé : un collectionneur lambda, un conservateur de musée, un scientifique, un collectionneur de haut niveau, un éditeur spécialisé, une artiste utilisant des minéraux dans ses mosaïques, ou encore des cristalliers et autres acteurs du marché.
Tous ces intervenants d’horizons différents, parfois opposés, certains ne s’entendent même pas entre eux. Et pourtant, chacun a mis sa vision, son vécu et sa passion dans ce livre. C’est ce qui en fait un ouvrage hors normes, intemporel et profondément humain.
Quelles sont les perspectives d’avenir pour la minéralogie de collection, selon vous ?
Je ne suis pas Madame Irma, voyante extralucide (rires).
J’aimerais voir la minéralogie continuer à s’épanouir, même si, de mon point de vue d’ancien directeur de presse, son évolution soulève des défis. La disparition progressive des revues pose la question de la transmission des connaissances – je ne suis d’ailleurs pas le premier à avoir subit ces affres, quatre autres titres ont fermé avant le mien, soit la moitié des publications mondiales.
Le rôle des marchands devient alors central, et il est essentiel qu’ils maintiennent une diversité de minéraux accessibles, afin de nourrir la curiosité et l’intérêt des collectionneurs. L’avenir de la minéralogie dépendra de cet équilibre entre marché, passion et partage des savoirs.
Mais il y a des raisons d’être optimiste.
L’élitisme permet d’avancer, de pouvoir regarder différemment. Les grands collectionneurs ont tiré le marché vers le haut, et avec eux, les marchands ont suivi. Cela a naturellement entraîné une hausse des prix, notamment sur le moyen et le bas de gamme, qui sont parfois devenus plus difficiles d’accès pour les collectionneurs. Sans aucun sens réel. A méditer !
Depuis le Covid, ces marchés ont largement évolué vers internet, offrant de nouvelles opportunités à une génération de collectionneurs et passionnés. Leur approche est différente : ils achètent en ligne, échangent sur les réseaux sociaux et fréquentent les salons avec un autre regard. Cette transition a dynamisé la minéralogie, élargissant son public et attirant une communauté plus variée et internationale. Ceci étant, devant une avalanche d’informations vérifiées ou non, il existe un risque que la majorité, parfois crédule et naturellement naïve, soit facilement influencée.
Ce qui me fait plaisir c’est que des collectionneuses averties sont présentes. Elles sont discrètes et perspicaces, elles apportent un renouveau dont notre microcosme a bien besoin !
Aussi, la préservation des spécimens d’exception reste une priorité, ce qui est essentiel pour le patrimoine minéralogique. Les musées jouent un rôle clé dans la transmission de cette passion. Ils sont des déclencheurs de vocation : lorsqu’un enfant découvre des minéraux à Paris, Londres ou New York, c’est souvent le début d’une fascination qui peut durer toute une vie. C’est Gaston Bachelard qui disait : « les minéraux sont les étoiles des mondes inférieurs ». Bon sang de bonsoir ! que cette phrase est belle et bien réelle.
Y a-t-il une personne que vous aimeriez voir interviewée dans Terre Minérale ? Si oui, quelle question lui poseriez-vous ?
Pour qu’il n’y en ait qu’une, c’est difficile. Si vous me le permettez, j’aimerais qu’il y en ait trois.
Louis Durand (1919-1994), c’est mon maître à penser. Il m’a appris énormément de choses, même si je ne l’ai connu qu’une dizaine d’années. Mais en dix ans, il a fait éclore ma passion. Avant lui, j’étais comme une fleur en bouton, qui n’éclosait pas. Et puis, cette rencontre a tout changé. Quand j’ai commencé à lui parler de mon projet en 1993, il m’a dit : « Vous allez vous casser la gueule, ce n’est pas viable, mais je vais vous aider. » Cependant, je l’ai fait quand même, grâce à lui, mais aussi sans lui, il est décédé en 1994, au tout début du projet. Aujourd’hui encore, j’aurais mille questions à lui poser. Des questions qui me manquent. Quarante ans après sa mort, il me manque toujours. Il restera pour moi un père spirituel.
Ensuite, parmi les personnes que j’aimerais voir interviewées, il y en a deux.
D’abord, Salim Eddé, au Liban. J’ai un attachement particulier pour ce pays, et je pense que c’est peut-être la personne qui intellectualise le plus les minéraux. S’il y a une question que j’aimerais lui poser, ce serait : « Envisagerais-tu une collection sans zircon ? »
Et puis, il y a Federico Pezzotta. Avec lui, ce ne serait pas tant une question … Je voudrais juste lui dire merci. Parce que c’est un grand bonhomme. Il a réussi à relier la science aux amateurs, aux prospecteurs, aux collectionneurs, jusqu’au laboratoire.
Je ne saurais pas quoi lui demander précisément, mais j’aimerais en apprendre plus sur lui à travers vos questions.